En avril dernier, pendant que les golfeurs du Québec attendaient avec impatience l'ouverture des terrains, la plupart des parcours des environs de Wuhan, en Chine, accueillaient les amateurs. Parole de l'architecte de golf canadien Neil Haworth, les Chinois aiment le golf. Pas surprenant qu'à partir du moment où les autorités ont mis fin au confinement, les clubs de golf ont rouvert leurs allées et pas seulement à Wuhan, là où la fameuse pandémie a commencé, mais partout où la situation le permettait.
Quelques jours avant que la ministre Isabelle Charest donne enfin l'autorisation de fouler les allées, nous avions échangé avec cet architecte de golf globe-trotter qui a signé plusieurs parcours en Asie et pour qui la ville de Wuhan, berceau du virus qui nous la mène dur depuis quelques mois, n'était nullement inconnue contrairement à plusieurs d'entre nous.
Car parmi vous tous qui lisez ceci, y a-t-il quelqu'un, à part M. Haworth, qui connaissait vraiment cette métropole de 11 millions d'habitants avant l'arrivée de la Covid-19? Là, on sait c'est quoi Wuhan et là-bas, ils rejouaient au golf pendant qu'ici on attendait…
«Le terrain que j'ai dessiné là-bas, à Wuhan, soit le Lang Zi Lake Golf Club (photo en manchette), a cependant rouvert un peu plus tard que les autres clubs des environs, les restrictions de confinement ont été plus sévères dans ce secteur de la grande région de Wuhan. Mais pour les autres clubs, oui, les golfeurs y ont eu accès dès le début des mesures de déconfinement», de confirmer l'architecte qui est de retour à Montréal, ces temps-ci, occupé à quelques rénovations au club Saint-Raphaël, sur l'Île Bizard.
C'est en fouillant pour en savoir plus sur le golf dans cette région du monde où le fameux coronavirus est apparu, qu'on a vite vu que le Montréalais Neil Haworth, architecte de golf de profession, a laissé sa marque dans cette région du monde en signant un très beau terrain sur un complexe hôtelier de classe internationale. Comme nous savions que ce maniaque de golf, qui travaillait à la boutique du club de Saint-Hyacinthe pendant ses études en architecture paysagiste, roulait sa bosse ici et là en Asie, nous avons profité de l'occasion pour en savoir plus, d'abord sur son travail, mais aussi sur le golf en ces terres lointaines.
Après quelques années à la firme du célèbre Graham Cooke, Neil Haworth se retrouve au sein d'une entreprise basée à Singapour et avec laquelle il assurera le design de nombreux parcours de golf.
«Cela fait maintenant 25 ans que je travaille un peu partout en Asie, précise-t-il. Nous avons actuellement un projet en cours au Vietnam. C'est principalement là que le golf se développe ces temps-ci en Asie. Mais jusqu'à maintenant, c'est surtout en Chine que nous avons travaillé. Nous avons participé à la création d'une quarantaine de terrains dans ce pays. Ces dernières années, il n'y a pas eu de nouvelles constructions mais nous sommes associés à quelques projets de rénovation de clubs.»
Outre le Vietnam et la Chine, on retrouve aussi sa signature pratiquement partout sur la planète: Phillipines, Thaïlande, Singapour, Japon, Maroc, Bali, Indonésie, France et bien sûr en Amérique, dont Hawaï. Il est actuellement sur un projet de réfection de certains trous et du champ d'entraînement au Royal Ottawa. Au Québec, il est associé à des terrains tels Grand Portneuf, Vallée du Richelieu et Saint-Raphaël. Au total, on parle d'environ 70 terrains de golf!
Le golf plutôt que le karaoké
Au cours des dernières années, des infos ont circulé comme quoi le gouvernement chinois mettait fin à la construction de nouveaux parcours et songeait même à fermer certains complexes de golf parce que, laissait-on entendre, ce sport n'est pas assez représentatif de la culture chinoise, trop «américain».
Neil Haworth apporte un son de cloche très différent:
«C'est plus en raison du comportement de certaines personnes associées à la corruption qui a motivé cette décision de la part des autorités chinoises, soutient-il. D'ailleurs, les employés de l'état n'ont pas le droit, en Chine, de jouer au golf, justement pour éviter toute trace d'association quelconque avec le monde de la corruption.»
Autre fait intéressant, que l'architecte de golf dévoile, concerne les débuts de l'intérêt pour le golf des Chinois. Et selon lui, tout a commencé à la suite d'une autre épidémie, cette fois celle du SRAS qui est survenue en 2003.
«Avant le SRAS, explique Neil Haworth, les Chinois étaient davantage des adeptes du karaoké comme activité sociale. Ils se réunissaient pour participer à des soirées de karaoké. Voyant que ces rassemblements étaient propices à de la contagion de masse, les autorités ont incité les gens à pratiquer davantage d'activités extérieures. Et le golf s'est révélé une très bonne activité extérieure.»
Et toujours selon lui, l'intérêt de jouer au golf pour les Chinois diffère de beaucoup de celui motivant les Occidentaux.
«Ils ne jouent pas nécessairement pour améliorer leur handicap, précise-t-il. C'est davantage pour les défis. Ils gagent beaucoup et veulent remporter la mise. Alors ils souhaitent jouer sur des terrains difficiles pour que les choses soient plus compliquées pour leurs adversaires.»
Donc ils jouent pour se retrouver à l'extérieur, ils jouent pour remporter une gageure, mais ils jouent depuis bien des semaines déjà, malgré la Covid-19, contrairement aux golfeurs québécois dont la saison est enclenchée depuis à peine quelques jours. Peut-être faudrait-il songer partir une ligue de karaoké au Québec?