Depuis près de 120 ans, le Baltusrol Golf Club joue un rôle prépondérant dans l’histoire du golf nord-américain. Fondé en 1895 par Louis Keller, un éditeur de magazine à potins populaire à l’époque, le parcours se trouve à environ 45 minutes de route à l’ouest de New-York. Et avec sa configuration particulière, le terrain offrira un tout autre challenge que lors du dernier majeur (The Open) pour le Championnat de la PGA se mettant en branle ce jeudi.
À travers ses multiples relations avec les membres de la communauté artistique et aristocratique new-yorkaise, Keller se rend rapidement compte qu’un nouveau sport gagne de plus en plus d’adeptes dans la région: le golf. Ainsi, il se met en tête de développer un club sur ses terres où il a l’habitude d’organiser des pique-niques pour ses amis et relations. Ce site, idéal pour un parcours de golf, était une ancienne terre agricole à flanc de montagne autrefois occupée par le fermier Baltus Roll. Ce dernier fut malheureusement tué lors d’une tentative de vol sur sa ferme en 1831, si bien que, quelques soixante années plus tard, le parcours fut nommé en son honneur par son fondateur.
Dès ses débuts, le parcours gagne vite en popularité. De neuf trous en 1895, le parcours passe rapidement à dix-huit trous en 1903 sous les bons soins de George Low qui agit à la fois comme professionnel du club et surintendant. Le «Old Course» est également reconnu pour sa grande qualité, si bien qu’entre 1901 et 1915, il est l’hôte de cinq championnats nationaux, dont le Championnat amateur féminin de 1901 et l’Omnium américain de 1915. C’est d’ailleurs cette même année que Keller achète des terrains environnant dans l’espoir de faire rénover le parcours pour que ce dernier intègre les nouveaux principes de design plus raffinés de l’époque. Il mandate alors Albert Warren Tillinghast, un des architectes les plus en vogue et parmi les plus influents du moment.
Le plan de Tillinghast est extrêmement audacieux! Il recommande de repartir complètement à neuf en ne construisant pas un, mais bien deux parcours. Cela signifiait détruire un parcours reconnu partout au pays et construire à la fois deux parcours différents; un défi qui n’avait encore jamais été tenté à l’époque. Les parcours «Upper» et «Lower», ouverts en 1922, sont le résultat de cet ambitieux projet qui devint immédiatement un succès sans précédent. La carrière de Tillinghast fut complètement lancée à partir de cette date et il devint «le père des architectes de golf américains».
Au fil des années, le parcours a été rénové par Robert Trent Jones dans les années cinquante et plus tard, par son fils Rees Jones – actif au club depuis plus de 25 ans. Tous les deux sont reconnus pour leurs travaux de rénovation sur des parcours hôtes de l’Omnium américain et la majorité des critiques s’entendent pour dire que leurs travaux à Baltusrol ont été réalisés dans le respect de l’architecture originale du parcours de Tillinghast. Aujourd’hui, le club peut se vanter d’avoir été l’hôte de 15 championnats nationaux sur trois de ses parcours, soit le défunt «Old», le «Upper» et le «Lower», dont sept Omniums américains (la majorité sur le «Lower»). C’est donc sur un parcours à haute saveur historique que ce déroulera le Championnat de la PGA 2016.
Caractéristiques du parcours
Un agencement de trous ingénieux
L’agencement des trous du parcours est particulièrement ingénieux, malgré l’espace relativement restreint dont il semble disposer. En effet, il n’y a jamais de trous successifs se dirigeant dans la même direction – une situation qui se reproduit seulement deux fois dans tout le parcours, soit aux trous nos. 5 et 6, et 17 et 18. Le parcours serpente donc à travers le site en changeant constamment de direction. Cette situation fait en sorte que les golfeurs sont toujours exposés à des situations différentes vis-à-vis du vent. Ceci est totalement différent du parcours de Royal Troon, par exemple, où avait lieu l’Omnium britannique il y a deux semaines, et où les six premiers trous, et les six derniers trous se dirigeaient dans la même direction. Cet agencement de trous est dû en grande partie au talent de Tillinghast qui avait du flair pour maximiser l’usage des sites sur lesquels il déployait son talent.
Une finale particulière
Le «Lower Course» de Baltusrol se termine d’une manière peu commune, contrairement à la quasi-totalité des parcours de golf. La fin du parcours comporte en effet deux normales cinq se dirigeant vers le chalet des joueurs – les deux seules du parcours pour les professionnels qui le fouleront durant le tournoi. Les trous 1 et 7 sont également des normales 5 pour les membres, mais elles seront jouées en normales quatre durant le tournoi. Le dix-septième trou est un monstre de 647 verges avec une fin ascendante vers un vert bien protégé, tandis que le 18e est une courte normale 5 offrant une excellente possibilité d’oiselets pour les pros. Trois des quatre trous les plus faciles du parcours se trouvent dans les cinq derniers trous, et cela risque de créer une finale excitante, alors que plusieurs golfeurs chercheront sans doute à être agressifs en fin de parcours.
Monument National Historique
Grâce à son riche passé et sa place importante dans l’histoire du golf, le Baltusrol Golf Club est l’un des quatre parcours de golf s’étant vu octroyer le titre de Monument National Historique par le National Park Service des États-Unis. Les autres parcours avec le même titre sont ceux d’Oakmont et Merion,en Pennsylvanie, et celui de Pinehurst en Caroline du Nord, tous des parcours hôtes de l’Omnium des États-Unis à plusieurs occasions. Bien que ce titre n’ajoute rien de particulier au parcours en tant que tel, c’est tout le club qui présente un charme solennel indéniable, avec son chalet majestueux et proéminent au sommet d’une pente à flanc de montagne, ainsi que sa riche histoire protégée et mise en valeur par ses membres triés sur le volet.
Trous à souligner
Trou no 4
Le trou no 4 est le trou signature du Baltusrol Golf Club. À l’origine du parcours, Tillinghast avait dessiné ce trou comme une courte normale 3 au-dessus d’un étang. Lorsque Robert Trent Jones fut engagé en 1948 pour les rénovations, il transforma le trou en y ajoutant des nouveaux tertres arrière, en reconstruisant le vert et les fosses de sable à l’arrière, et en ajoutant un muret de pierre le long de l’étang bordant le trou. À l’ouverture officielle du trou en 1952, les membres se plaignirent à Jones du fait que le trou était devenu trop difficile. Il leur suggéra d’aller jouer le trou pour voir ce que l’on pourrait faire pour l’améliorer. Après que deux membres et le professionnel atteignirent le vert avec leurs coups de départ, Jones s’élança avec un coup majestueux qui finit sa course dans la coupe pour un trou d’un coup! Il leur dit alors : «Messieurs, je crois que le trou est éminemment juste!».
Le trou no13 offre un excellent exemple d’obstacle diagonal caractéristique de l’école d’architecture de golf dite «Héroïque». En effet, un petit ruisseau traverse l’allée à l’avant des tertres et il longe celle-ci sur presque toute sa longueur en formant une diagonale à partir des tertres. Plus le joueur veut être agressif avec son coup de départ, plus il risque de rencontrer l’obstacle, mais s’il réussit son coup, il sera récompensé par un coup d’approche beaucoup plus court et plus facile. À l’opposé, plus il jouera de manière conservatrice avec son coup de départ, moins le ruisseau sera en jeu, mais plus long sera son coup d’approche vers le vert. C’est un élément architectural d’une grande simplicité, mais qui est très efficace pour créer de la stratégie sur un parcours de golf. Ce type d’élément architectural est également intéressant, car il a un impact sur tous les calibres de golfeurs qui peuvent l’attaquer selon leur niveau de confiance et leur capacité.
Le trou no 17 est l’une des normales cinq les plus connues des États-Unis pour sa longueur. À 647 verges, et présentant une pente ascendante sur sa deuxième moitié, peu de joueurs pourront l’atteindre en deux coups. John Daly fut le premier à accomplir l’exploit à l’Omnium américain de 1993. La plupart des normales cinq permettent un peu de marge de manœuvre si l’un des coups n’est pas parfait. Ce n’est pas le cas ici, car il est essentiel de mettre sa balle en jeu sur le coup de départ, puisqu’un coup mal placé pourrait compromettre la chance de franchir un complexe de fosses de sable qui croise entièrement l’allée sur le deuxième coup. Ce complexe, nommé avec justesse «Sahara», est très pénalisant pour les golfeurs moyens qui n’ont d’autre choix que de le franchir. Le deuxième coup, s’il est frappé à partir de l’allée, oblige à faire un choix: soit que l’on vise le côté droit de l’allée qui laissera un coup d’approche en montant au-dessus de fosses de sable profondes, mais vers un vert dont toute la profondeur est accessible aux golfeurs, soit on vise le côté gauche de l’allée où se trouve une petit fosse, mais d’où il est possible d’atteindre le vert sans franchir de fosse. Le choix ne sera pas aussi difficile pour les professionnels que pour un golfeur amateur, mais le trou sera tout de même drôlement intéressant.
Conclusion
Le Baltusrol Golf Club est sans aucun doute l’un des parcours les plus ancrés dans la riche tradition de golf des États-Unis. Situé sur un site charmant et doté d’une histoire riche en souvenirs mémorables, ce parcours, en apparence minimaliste, est encore aujourd’hui rempli de particularités ayant marqué la belle époque que l’on appelle aujourd’hui l’âge d’or de l’architecture de golf aux États-Unis. Il sera intéressant de voir si les golfeurs pourront encore abaisser les records avec leurs prouesses, ou si ce parcours, presque centenaire, sera toujours en mesure de les tenir en respect. Espérons simplement que les conditions de jeu permettront d’obtenir du golf spectaculaire et aussi inspirant que la finale de l’Omnium britannique au Royal Troon, il y a deux semaines!
Pour une source complète d’informations sur le parcours, cliquez ici.
http://www.golfclubatlas.com/forum/index.php?topic=63315.0
Pour le site web du Club et son histoire, cliquez ici.
http://www.baltusrol.org/club/scripts/section/section.asp?GRP=23556&NS=PCH
Yannick Pilon Golf © 2016